Dans la version initiale du code civil (1804), l’article 213 établit en ces termes les bases du mariage : « le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari ». L’épouse renonce donc à sa capacité juridique et se place sous l’autorité de son époux. L’évolution de la place des femmes dans la société a nécessité de revoir ces dispositions dès l’entre-deux guerres, mais ce n’est qu’en 1971 que l’égalité entre époux a été proclamée, après que la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux ait constitué une étape déterminante dans cette évolution. Elle est restée dans la mémoire collective comme le texte qui a permis à la femme mariée d’ouvrir un compte en banque sans avoir à demander l’autorisation de son mari.

Réclame pour un magasin - ©gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Invoquant la stabilité de la famille, considérée comme le socle de la société, le code civil inscrivit l’infériorité de la femme mariée dans la loi. En effet, à la différence des filles majeures ou des veuves, les épouses ne jouissaient pas de la capacité juridique de gérer leur patrimoine. Elles étaient donc en position d’infériorité non seulement par rapport à leur mari, mais aussi par rapport à leurs sœurs célibataires ou veuves.

Néanmoins l’évolution de la société ne cantonna pas les femmes mariées au seul domaine domestique. La révolution industrielle exigeait de la main d’œuvre et les femmes devinrent des ouvrières, pourvoyeuses d’un salaire. Puis les deux guerres mondiales conduisirent les femmes à sortir de la place qui leur avait été assignée pour remplacer les hommes absents. Démontrant leurs compétences, elles conquirent, grâce à leurs salaires, une indépendance économique qui s’accompagnait bien souvent d’une demande de rééquilibrage au sein du couple. 

L’incapacité juridique de la femme mariée ne correspondait, à l’évidence, plus à la réalité sociale. 

À la fin des années 1950, l’Exécutif et le Parlement estimèrent souhaitable de procéder à une modernisation des régimes matrimoniaux, afin de mettre en conformité le code civil et la sociologie nouvelle. 

Un premier projet de loi sur les régimes matrimoniaux fut déposé en 1959. Fruit des travaux conjoints de la commission de réforme du code civil et des rapports de Pierre MARCILHACY (sénateur de Charente, non inscrit) et Marcel SAMMARCELLI (député de Corse, Union pour la nouvelle République), il n’aboutit pas, faute d’accord sur la gestion des biens propres de la femme dans le cadre du régime de droit commun. Le texte fut retiré de l’ordre du jour, dans l’attente des réactions des mouvements féministes sur la question.

En 1963, Pierre MARCILHACY déposa une proposition de loi adaptant le projet de 1959, dans l’espoir de relancer l’examen de la réforme. 

Sa stratégie fut efficace car, le 17 mars 1965, le gouvernement Pompidou déposait sur le bureau du Sénat un projet de loi portant réforme des régimes matrimoniaux. Le texte, rédigé par le doyen Carbonnier, reprenait les dispositions déjà validées par les parlementaires. 

Au Sénat, Pierre MARCILHACY qui travaillait sur le sujet depuis huit ans – il avait été associé aux travaux de la commission de réforme du code civil – fut nommé rapporteur de la commission des lois.

Après deux jours de discussion, il pouvait déclarer, avant le vote du 11 mai 1965 que « Le Sénat qui, sous la IIIe République avait la réputation d’être assez solidement antiféministe, se trouve à l’avant-garde de toutes les dispositions qui, depuis 1945, ont amené progressivement l’amélioration de la condition de la femme mariée ». Le texte fut voté à l’unanimité, prouvant ainsi que le rapporteur ne s’était pas trompé sur l’engagement du Sénat en faveur de la cause féministe.

Après avoir également été examiné et adopté par l’Assemblée nationale, le texte fut promulgué le 13 juillet 1965 et publié le jour suivant au Journal officiel.

La loi du 13 juillet 1965 modifia durablement tant l’équilibre au sein du couple que celui vis-à-vis des tiers et permit de rapprocher les textes de la réalité quotidienne des Françaises : la femme n’avait plus besoin de l’accord de conjoint pour ouvrir un compte en banque ou avoir un emploi salarié extérieur. 

Elle pouvait gérer seule les biens lui appartenant en propre, assumait la cogestion des biens communs et passait des contrats engageant solidairement son conjoint dans les domaines de l’éducation des enfants ou de l’entretien du ménage. 

Le régime matrimonial légal qui était jusque-là celui de la communauté des biens et acquêts, à défaut d’avoir opté pour un autre régime matrimonial par contrat, devenait celui de la communauté réduite aux acquêts. Par ailleurs, la possibilité de changer de régime matrimonial ultérieurement était introduite et le régime dotal, survivance du passé, disparut.

La loi du 13 juillet 1965 marque donc une étape décisive dans ce que Pierre MARCILHACY appelait « l’affranchissement de la femme ».