En 1974, la commission des Affaires sociales du Sénat propose le remboursement de l’interruption volontaire de la grossesse par la Sécurité sociale
Rapport n° 120 (1974-1975) de Jean Mézard, au nom de la commission des affaires sociales (dépôt le 6 décembre 1974)
Dans son projet de loi relatif à l’interruption volontaire de la grossesse (IVG) adopté en Conseil des ministres le 13 novembre 1974, le Gouvernement prévoyait la prise en charge de l’acte médical par l’aide sociale, pour les femmes les plus démunies. Il ne réservait le remboursement par la Sécurité sociale qu’au cas de l’avortement thérapeutique.
La commission des Affaires sociales du Sénat, par la voix de son rapporteur le sénateur du Cantal Jean MÉZARD (Groupe du Centre National des Indépendants et Paysans), propose d’étendre le remboursement par la Sécurité sociale à l’avortement non-thérapeutique. Dans son rapport, il développe à cet effet l’argumentation suivante :
« Reste enfin un quatrième aspect du projet de loi qui n'est guère satisfaisant : il ne prévoit pas le remboursement par la Sécurité sociale.
Sur ce point, votre commission, considérant que cette lacune ne mettrait pas toutes les femmes à égalité devant la loi, quel que soit leur niveau de revenus, et risquerait d'en détourner beaucoup de la légalité, a adopté un amendement prévoyant le remboursement par la Sécurité sociale des frais de soins et d'hospitalisation afférents à l'avortement légal.
Il est frappant de constater qu'un grand nombre de commissaires parmi ceux qui se sont déclarés adversaires d'une libéralisation de l'avortement ont eux-mêmes estimé que la loi serait fondamentalement déséquilibrée si on la laissait dépourvue de dispositions de cette nature. »
Les sénateurs de Lot-et-Garonne Henri CAVAILLET (Formation des Sénateurs Radicaux de Gauche) et Jacques BORDENEUVE (Gauche Démocratique) déposent alors un autre amendement, destiné à faire de l’interruption volontaire de la grossesse « un acte thérapeutique avec toutes les prérogatives qui s'y rattachent » Mais le Gouvernement lui réserve le même sort.
Le remboursement par la Sécurité sociale de la couverture des frais afférents à l'interruption volontaire de grossesse non thérapeutique interviendra en 1982. Au fil du temps, plusieurs mesures législatives successives viendront élargir le cadre de la prise en charge de l’IVG, permettant l’allongement du délai légal de l’interruption volontaire de grossesse jusqu’à 14 semaines, la suppression du délai légal minimum de réflexion pour les mineurs comme les majeures, l’autorisation des sage-femmes à pratiquer des IVG médicamenteuses, ainsi que la suppression de la notion de détresse comme condition pour recourir à l'IVG.
Le droit des femmes de recourir à l'interruption volontaire de grossesse a été consacré par l’article 34 de la Constitution, au terme des dispositions de la constitutionnelle n° 2024-200 du 8 mars 2024 ainsi rédigées : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ».
Le projet de loi -d’initiative gouvernementale- avait été approuvé à une forte majorité successivement par l’Assemblée nationale -493 voix pour contre 30- et le Sénat-267 voix pour contre 50 - avant de l’être par le Parlement réuni en Congrès (780 voix pour contre 72 et 50 abstentions).