Avocat au barreau de Paris depuis 1951, devenu Garde des Sceaux, ministre de la Justice après l’élection de François MITTERRAND à la Présidence de la République, Robert BADINTER est un opposant de longue à la peine de mort. Il présente et défend les dispositions du projet de loi d’abolition de celle-ci, adopté par l’Assemblée nationale et par le Sénat. L’aboutissement d’un combat politique et philosophique, dont l’origine remonte au XVIIIe siècle, au nom d’une conception humaniste de la justice. L’abolition de la peine de mort est finalement inscrite dans la Constitution, en 2007.
Robert Badinter - ©Le Sénat
Dans son traité Des délits et des peines, publié anonymement en 1764, le juriste et philosophe Cesare BECCARIA prône son abolition. Dès 1766, VOLTAIRE prend position, dans son Commentaire sur le livre « Des délits et des peines » (consultable sur Gallica), en faveur du remplacement de la peine de mort par une peine de travail forcé. En 1791, la question est débattue au Parlement. ROBESPIERRE s’exprime en faveur de l’abolition mais l’Assemblée constituante décide de maintenir la peine de mort. Le débat resurgit après la Terreur. La peine de mort est même formellement abolie le 26 octobre 1795 (loi du 4 brumaire an IV) « à dater du jour de la publication de la paix générale », mais l’ajournement de la mesure entraîne son inexécution. Le rétablissement de la peine capitale dans le code pénal intervient en 1810.
Le débat sur la peine de mort reprend au Parlement sous la monarchie de Juillet, puis en 1848 lorsque Victor HUGO, auteur du célèbre ouvrage Le dernier jour d’un condamné (consultable sur Gallica), s’y illustre. La peine de mort pour raisons politiques est abolie, mais les amendements en faveur d’une abolition totale sont rejetés.
À la fin de l’Empire, Jules SIMON, dépose une proposition de loi en faveur de l’abolition de la peine capitale. Le sénateur Victor SCHŒLCHER reprend ce combat politique en 1876, en effectuant une démarche analogue. Le débat reprend au début du XXe siècle : le Président de la République Armand FALLIERES (1906-1913), partisan de l'abolition de la peine de mort, gracie systématiquement tous les condamnés à mort, la première année de son septennat. Edmond GUYOT-DESSAIGNE et Aristide BRIAND, Gardes des Sceaux dans les Gouvernements CLEMENCEAU, déposent des projets de loi abolitionnistes.
Après l’élection de François MITTERRAND à la Présidence de la République, dont la position abolitionniste est connue, un projet de loi portant abolition de la peine de mort est déposé le 28 août 1981 à l’Assemblée nationale. Robert BADINTER, Garde des Sceaux du gouvernement de Pierre MAUROY, défend le texte au Parlement. Les débats sont passionnés. Au Sénat, Robert BADINTER conclut son intervention par ces mots : « Si vous considérez, en conscience, qu’aucun homme n’est totalement coupable, qu’il ne faut pas désespérer de lui pour toujours, que notre justice, comme toute justice humaine, est nécessairement faillible et que tout le progrès de cette justice a été de dépasser la vengeance privée et la loi du talion, alors vous voterez pour l’abolition de la peine de mort » (compte rendu et intervention consultables sur le site du Sénat).
Le projet de loi est adopté par l’Assemblée nationale, le 18 septembre 1981, par 363 voix contre 117, puis par le Sénat, le 30 septembre 1981, par 161 voix contre 126. Après promulgation et publication du texte au Journal officiel le 10 octobre 1981, la peine de mort est abolie en France.
En 2007, à l’initiative du Président Jacque CHIRAC, le Parlement modifie le texte de la Constitution, pour y faire figurer l’interdiction de la peine de mort. Robert BADINTER, alors sénateur des Hauts-de-Seine et membre groupe socialiste, joue un rôle clé dans les débats, en qualité de rapporteur du projet de loi constitutionnelle. Ce dernier est successivement adopté par l’Assemblée nationale, le 30 janvier 2007, par le Sénat (334 voix pour contre 2), le 7 février 2007, et par le Congrès du Parlement (828 voix contre 26), le 19 février 2007.
Dans son discours d’adieu au Sénat en septembre 2011, Robert BADINTER décrit en ces termes le rôle du Parlement dans l’abolition de la peine de mort : « Le Sénat, ce jour-là, a assumé la fonction qui, à mon sens, doit être celle de tout parlement dans une démocratie : être le phare qui éclaire les voies de l’avenir, et non le miroir qui reflète les passions de l’opinion publique » (intervention consultable sur le site du Sénat).
À l’occasion de son hommage en février 2024, le Président Gérard LARCHER souligne la marque laissée par l’action de Robert BADINTER au Sénat : « En relisant l’original de son discours de 1981, chacune, chacun d’entre vous, mes chers collègues, se verra transmettre cette force qui l’a animé. Vous pourrez ainsi reprendre le flambeau, le flambeau de l’humanisme et de la liberté » (intervention consultable sur le site du Sénat).