Après la réconciliation de la France avec Rome par la signature du Concordat de 1801, la crise entre le Vatican et la République s’exacerbe au tournant des XIXe et XXe siècles : un projet de loi de séparation des Églises et de l’État est soumis à la Chambre des Députés le 4 mars 1905.
Rapport de la loi de 1905 sur la séparation de l'Église et de l'État - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
En 1902, le président du Conseil, Émile COMBES, s’entoure d’un gouvernement soutenu par le Bloc des gauches (radicaux et socialistes) et engage une politique anticléricale s’appuyant sur J. CHAUMIÉ puis sur J.-B. BIENVENU-MARTIN – ministres successifs de l’Instruction publique, des Beaux-arts et des Cultes – qui entraîne en 1904 la rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège.
Le projet de loi de séparation, présenté le 9 février 1905, découle des travaux des députés Francis de PRESSENSÉ (socialiste) et Eugène RÉVEILLAUD (radical). Le rapporteur, le député Aristide BRIAND, le présente à la commission le 4 mars :
« Aujourd’hui, il n’est plus personne pour contester sérieusement que la neutralité de l’État en matière confessionnelle ne soit l’idéal de toutes les sociétés modernes. Dans une démocratie surtout, dont toutes les institutions ont pour base le suffrage universel, c’est-à-dire le principe de la souveraineté du peuple, le maintien d’un culte officiel est un tel défi à la logique et au bon sens qu’on a le droit de se demander comment la République française a pu pendant trente-quatre ans s’accommoder de ce régime équivoque. »
Ce texte prévoit ainsi l’abrogation du Concordat, la nationalisation des biens du clergé, la cessation du paiement des pensions ecclésiastiques, la création d’associations cultuelles régies par les mêmes lois pour toutes les religions et l’institution d’une police des cultes.
Le projet est présenté à la Chambre des députés le 21 mars 1905 et fait d’emblée l’objet de deux « motions préjudicielles » repoussées par une écrasante majorité. La discussion commence le 23 mars et, après 48 séances, la loi de séparation des Églises et de l’État est adoptée par la Chambre le 3 juillet par 341 voix contre 233. Ce texte est débattu par les sénateurs à compter du 9 novembre et adopté le 6 décembre par 181 voix contre 102. Le Président de la République le promulgue le 9 décembre 1905.
L’exécution de la loi est difficile, à commencer par celle du Titre II, qui prévoit d’établir l’inventaire des biens du clergé – meubles et immeubles – dans un délai d’un an : dans certains départements, une « crise des inventaires » oppose au cours de violentes échauffourées des paroissiens aux gendarmes. Les encycliques Vehementer nos et Gravissimo officii munere du pape Pie X condamnent d’emblée cette loi, encourageant les fidèles à faire obstacle à l’inventaire des biens ecclésiastiques et leur interdisant de se constituer en associations.
Pour apaiser la situation, le ministre de l’Intérieur, G. CLEMENCEAU, demande aux préfets, dès mars 1906, la suspension des inventaires. Le 28 mars 1907, la révision de l’article 25 de la loi de 1905 légalise les réunions publiques sans déclaration préalable, tenant compte du refus de l’Église catholique de déclarer ses réunions cultuelles à l’autorité publique. La loi du 13 avril 1908 confie aux communes l’entretien financier des édifices de culte – exclusivement réservés à l’usage déterminé par l’autorité cléricale compétente. Les relations diplomatiques avec le Saint-Siège ne sont toutefois rétablies qu’en 1924.
La loi de séparation a profondément marqué la culture républicaine, comme en témoigne le préambule de la Constitution de la Ve République qui en conserve la trace en disposant que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » Son esprit fonde les principes laïcs de la France contemporaine.