Les échanges internationaux et l’incidence de la politique extérieure sur la vie des Français ont conduit le Sénat à développer au fil des ans son action internationale dans le cadre de la « diplomatie parlementaire ». C’est à ce titre qu’il accueille périodiquement des chefs d’État.
Visite d'État de la Reine d'Angleterre en 2004 - photo appartenant à la Direction de la Communication du Sénat 279_50_XL
Après la victoire de 1918, le Sénat avait accueilli, le 20 janvier 1919, le président des Etats-Unis d’Amérique, Thomas Woodrow WILSON, pour un déjeuner organisé dans la salle des Conférences du Palais du Luxembourg. Cette réception solennelle, restée dans les mémoires sous le nom de « banquet WILSON » avait réuni deux cent cinquante des plus hautes personnalités de France, d’Europe et des Etats-Unis qui participaient, à Paris, à la Conférence de la Paix.
La Reine d’Angleterre Elizabeth II fut également reçue au Sénat, le 6 avril 2004, à l’occasion du centenaire de l'Entente cordiale. Il s’agissait alors, après celles de 1957, de 1972 et de 1992, de la quatrième visite d’État en France de la souveraine britannique, laquelle devait ensuite effectuer une ultime et cinquième visite de ce niveau protocolaire en France en 2014, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire du Débarquement en Normandie.
La Reine fut accueillie dans la cour d’honneur par la fanfare de la Garde républicaine et des gardes à cheval.
À ses côtés se tenaient Christian PONCELET, Président du Sénat et Jean-Louis DEBRÉ, Président de l’Assemblée nationale, tandis que le duc d’Édimbourg, se conformant au protocole, marchait trois pas derrière elle.
La souveraine britannique fut reçue dans la salle des Conférences. Le Président du Sénat prononça le premier discours, louant l’ancienneté de la démocratie parlementaire et le courage des Britanniques durant la Seconde guerre mondiale, tout en insistant sur la convergence de vues entre les deux pays au sujet de la défense européenne.
« Nous sommes, nous parlementaires, particulièrement fiers et heureux de recevoir le chef de l’État de la plus vieille démocratie parlementaire du monde, celle-là même qui a donné le jour à la Grande Charte de 1215, puis à l'Habeas Corpus, qui ont inspiré bien des constitutions démocratiques. C’est donc avec une admiration et un respect particuliers que nous saluons des orfèvres dans l'art exigeant de la démocratie. Des orfèvres qui ont su la garantir et l’améliorer sur le fondement de la seule coutume, en s’épargnant la litanie des constitutions et de leurs multiples révisions dont d'autres pays, en particulier le nôtre, se sont faits une spécialité. Je n’oublie pas non plus que le Royaume-Uni a aussi été précurseur en promouvant le bicamérisme, forme la plus achevée de la démocratie. »
Christian PONCELET conclut son propos par « God save the Queen ! »
Le Président de l’Assemblée nationale quant à lui, fit référence à la Grande guerre et rendit hommage à la qualité des relations bilatérales entre les deux pays : « Il y a quelques années je crois, Votre Majesté observait avec humour que "S’il est vrai que nous ne conduisons pas du même côté de la route, il est tout aussi vrai que nous avançons dans la même direction". »
Dans sa réponse, la Reine Elizabeth II souligna que « nos deux pays ont choisi de faire de l’Europe et de l’Union européenne le principal vecteur de leurs aspirations économiques et politiques. Ce choix n’entame pas les liens d’amitié qui les unissent aux États-Unis - et n’a pas à les entamer. Il s’agit là de relations complémentaires. Nous nous employons plus que jamais à faire entendre la voix de l'Europe dans le monde, et à doter la diplomatie européenne de la crédibilité militaire nécessaire pour permettre à l’Union européenne de mener, le cas échéant, des opérations dans lesquelles l’Otan en tant que telle n’est pas engagée » avant de conclure par un toast aux parlements français et britannique ainsi qu’à l’Entente cordiale.
Deux cadeaux furent offerts à la reine : une nouvelle variété d’orchidée, créée par le Jardin du Luxembourg, dénommée « Entente cordiale », ainsi qu’une édition originale d’un livre sur la vie du comte de Strafford, principal ministre du Roi Charles Ier (1625-1649), et sur l’histoire générale d’Angleterre, d’Ecosse et d'Irlande à cette époque. L’auteur de cet ouvrage – Trophime-Gérard de LALLY-TOLLENDAL – était un député de la noblesse aux États généraux de 1789, issu d’une famille d’origine irlandaise. Rentré en France après le coup d’État de brumaire (1799), il fut pair de France sous la Restauration et se révéla un ardent défenseur du bicamérisme.