Unificatrice par son histoire, la France a utilisé le français comme langue de l’administration depuis 1539 et l’ordonnance royale de Villers-Cotterêts sur « le faict de justice qui disposait que la justice serait rendue en françois et non plus en latin ». Il s’agit du plus ancien texte législatif en vigueur en France. Depuis cette époque, l’État développe une politique linguistique en faveur de l’usage du français.

La Grammaire - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Dans l’histoire de notre pays, la volonté d’unifier, de réguler et d’interdire par la langue s’est imposée sur un horizon à très long terme. Après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les décrets des 2 thermidor an II et des 24 prairial an IX, ont imposé le français comme langue unique pour tout acte public sur l’ensemble du territoire. Les lois Ferry de 1881 et 1882 ont ensuite poursuivi l’unification linguistique, en faisant du français la langue de l’instruction primaire. 

Au XXsiècle, dans un contexte international devenu largement anglophone, la loi n°75-1349 du 31 décembre 1975 relative à l’emploi de la langue française - dite loi BAS-AURIOL - dispose que l’usage du français est obligatoire dans l’affichage public et la publicité commerciale, tout en prohibant l’utilisation d’expressions ou de termes étrangers. 

En 1992, le Parlement consacre le principe que « la langue de la République est le français », en l’inscrivant à l’article 2 de la Constitution de 1958

Presque vingt ans après l’adoption de la loi de 1975, le 1er mars 1994, un projet de loi relatif à l’emploi de la langue française est déposé au Sénat. Inscrit dans la continuité de la politique linguistique de défense du français, le texte examiné tend à aller au-delà de la loi BAS-AURIOL. 

Son auteur, Jacques TOUBON, ministre de la Culture et de la francophonie, se fixe deux objectifs : l’enrichissement de la langue française et l’obligation d’utiliser le français. 

Il déclare que la loi tend à garantir le droit de disposer d’informations dans la langue de la République afin que les consommateurs, les salariés, les usagers, le public en général, soient assurés de comprendre les indications qui leur sont données et que les activités ayant lieu sur le territoire national - enseignement, émissions de radio et de télévision, vie professionnelle se déroulent en français. Il précise qu’aucun changement ne sera apporté à la pratique ou au statut des langues régionales. Le sénateur Jacques LEGENDRE (Rassemblement pour la République, Nord), rapporteur du texte, rappelle la responsabilité de la France à l’égard des pays associés dans les instances de la francophonie.

Le projet de loi fait l’objet de deux lectures dans chacune des assemblées avant la réunion d’une commission mixte paritaire dont la lecture des conclusions a finalement lieu le 1er juillet 1994.

Saisi par plus de soixante députés, le Conseil constitutionnel déclare certaines dispositions du texte contraires à la Constitution :

« Au nombre des règles dont il appartient au législateur d'assumer la conciliation avec la liberté d'expression et de communication figure celle posée par l'article 2 de la Constitution qui dispose : " La langue de la République est le français ". S'agissant du contenu de la langue, il lui était loisible de prescrire, ainsi qu'il l'a fait, aux personnes morales de droit public comme aux personnes de droit privé dans l'exercice d'une mission de service public l'usage obligatoire d'une terminologie officielle. En revanche, il ne saurait imposer la même obligation aux personnes privées hors l'exercice par celles-ci d'une mission de service public et aux organismes et services de radiodiffusion sonore et télévisuelle qu'ils soient publics ou privés. »

Promulguée le 4 août 1994, la loi n° 94-665 relative à l’emploi de la langue française concerne de nombreux secteurs : 

  • l’espace public, la publicité et la consommation : pour garantir au consommateur de disposer d’une information en langue française concernant les biens, produits et services ;

  • les médias et l’audiovisuel : où elle permet à chacun d’accéder à l’information, au savoir et à la culture en français ;

  • le monde du travail : afin de veiller à ce que les salariés français puissent s’exprimer et recevoir des informations en français ;

  • l’enseignement supérieur et la recherche : pour produire et transmettre le savoir en français dans les établissements publics et privés d’enseignement ;

  • et la communication des acteurs publics : afin de conforter le français comme langue des services publics.

Le ministre Jacques TOUBON se dit « persuadé que, dans vingt ou trente ans, peut-être seulement dans dix ans, on estimera que le fait d‘avoir adopté cette loi en cette année 1994 a véritablement servi l'intérêt national à long terme, en nous permettant de mieux protéger notre patrimoine, de mieux défendre notre pays, de lui conserver ses caractères propres sans sacrifier son insertion dans un monde sans cesse changeant, et aussi de mieux assurer l'influence de la francophonie. »

En 2024, une mission sénatoriale d'information sur la situation de la francophonie est constituée, avec pour rapporteurs la sénatrice Catherine BELRHITI (Les Républicains, Moselle), ainsi que les sénateurs Yan CHANTREL (Socialiste écologiste et républicain, représentant les Français établis hors de France) et Pierre-Antoine LEVI (Union centriste, Tarn-et-Garonne). Cette mission d’information dresse un bilan de trente ans d’application de la loi TOUBON en soulignant que « C’est une loi-socle qui marque un tournant dans la politique publique linguistique ».

Selon Paul de SINETY, le délégué général à la langue française et aux langues de France : « La loi TOUBON a démontré son efficacité. Sans elle, nous n'aurions pas d'informations en français pour nos achats de consommation courante, nous ne pourrions pas non plus accéder nécessairement, dans notre langue, à l'éducation non plus qu'aux soins ou aux services de santé ».