Très jeune résistant durant la Seconde guerre mondiale, Lucien NEUWIRTH rejoint, encore adolescent, Londres et la France libre pour combattre dans une unité de parachutistes. Fait prisonnier par les Allemands en 1945, il réchappe par miracle à un peloton d’exécution, grâce aux pièces de monnaie dans son portefeuille qui modifient le trajet de la balle destinée à le tuer. Revenu à la vie civile, il s’engage dans le mouvement gaulliste en 1947, est élu conseiller municipal de Saint-Etienne, avant de devenir parlementaire en 1958. La postérité retiendra que peu avant mai 1968, Lucien NEUWIRTH, député gaulliste de la Loire, prit l’initiative de déposer une proposition de loi autorisant la promotion et la diffusion des méthodes contraceptives, notamment la pilule. Ce texte ouvrira la voie à l’adoption progressive d’un nouveau cadre législatif destiné à favoriser une maternité choisie. Lucien NEUWIRTH fut sénateur de la Loire de 1983 à 2001 et questeur du Sénat de 1989 à 1998.
Le planning familial / Dr Lagroua Weill-Hallé ; préface de Simone de Beauvoir - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
La loi du 31 juillet 1920 interdisait la promotion et la diffusion des méthodes contraceptives. C’est dans ce contexte que la gynécologue Marie-André LAGROUA WEILL-HALLÉ plaida pour une « maternité volontaire » devant l’Académie des sciences morales et politiques en 1955. L’année suivante, elle fondait « La Maternité Heureuse », devenue en 1960 le « Planning familial » afin d’étudier les questions liées à la maternité et la natalité ainsi que leurs conséquences familiales, sociales et nationales. Elle proposait également des solutions pour améliorer les conditions de la maternité et de la naissance.
Durant les années 1950 et 1960, un fossé se creuse entre, d’une part, une réglementation opposée aux actions tendant à éviter ou à interrompre les grossesses (loi de 1920, loi de 1923, décret-loi du 29 juillet 1939, loi du 15 février 1942, décret du 11 mai 1955, art. L. 645 à L. 650 du Code de la Santé publique, art. 317 du Code pénal) et, d’autre part, l’évolution des pratiques et des mentalités. De nombreuses femmes effectuent bien malgré elles des avortements clandestins, tandis que des médicaments comme la pilule « Enovid » commercialisée dès 1961, ainsi que d’autres médicaments sont détournés pour leurs effets contraceptifs.
Un tel décalage suscite des débats publics relayés par la presse dont le Parlement se fait l’écho. En 1960, une commission chargée de l’étude des problèmes de la famille, la « commission Prigent », étudie ces questions. Plusieurs initiatives parlementaires interviennent alors, à l’instar du dépôt, en 1965, de la proposition de loi relative à l’abrogation des lois réprimant l’avortement, la propagande anticonceptionnelle et à la réglementation de la commercialisation des moyens anticonceptionnels (consultable sur le site du Sénat : https://www.senat.fr/leg/1965-1966/i1965_1966_0082.pdf).
Le 18 mai 1966, Lucien NEUWIRTH, député gaulliste de la Loire de 1958 à 1981, dépose une proposition de loi visant à modifier les articles 3 et 4 de la loi du 31 juillet 1920 sur la prophylaxie anticonceptionnelle. Sensibilisé à la contraception féminine disponible dans d’autres pays, Lucien NEUWIRTH relance par là même le débat sur la maîtrise de la fécondité.
Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, le 1er juillet 1967, il déclare que « l’heure est désormais venue de passer de la maternité accidentelle et due souvent au seul hasard, à une maternité consciente et pleinement responsable ». Après des débats houleux et de nombreux amendements, le Sénat se prononce à une très forte majorité en faveur du texte : pour l'adoption 176, contre 37.
La loi n°67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances est finalement votée et promulguée, quelques mois seulement avant les évènements de mai 1968.
La mise en œuvre de la « loi NEUWIRTH » est cependant difficile, car ses décrets d’application ne seront publiés que progressivement, entre 1969 et 1972. L’accès à la pilule reste limité par le manque d’information et par son coût. En 1972, Lucien NEUWIRTH dépose une autre proposition de loi permettant la création du Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale. Il rapporte en outre, en 1974, le projet de loi portant diverses dispositions relatives à la régulation des naissances qui complète la loi de 1967. Ce texte permet notamment le remboursement de la contraception par la Sécurité sociale. Louis Neuwirth défend également la loi Veil relative à l'interruption volontaire de grossesse en 1974. Au total, ce nouveau cadre législatif favorise une maternité choisie.
Sénateur de la Loire de 1983 à 2001, membre du groupe du Rassemblement pour la République, Lucien NEUWIRTH s’engage aussi sur d’autres sujets de société comme les soins palliatifs et la fin de vie.
Rendant hommage à Lucien NEUWIRTH, le Président LARCHER décrit son engagement en ces termes : « Je suis profondément convaincu que des combats aussi fondamentaux peuvent rassembler des hommes et des femmes très différents par leurs sensibilités, des hommes et des femmes qui ont en commun, par-delà leurs convictions politiques, de croire que l’humain est au cœur de tout » (voir le rapport d’information n° 487 du 30 mars 2017 consultable sur le site du Sénat).