La centième des « 110 propositions pour la France », formulées par le parti socialiste et par son candidat à l’élection présidentielle de 1981, François MITTERRAND, prévoyait l’abrogation de la libération du prix du livre. Jack LANG, nouveau ministre de la Culture, déposa ainsi au Sénat dès le 23 juillet 1981 un projet de loi relatif au prix du livre, qui sera communément désigné, après son adoption, « loi LANG ».

Librairie Nouvelle : [estampe] - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

Lors des débats parlementaires, un consensus s’établit sur le principe que « le livre n’est pas un produit comme les autres » : il ne s’agit pas d’une simple marchandise entrant dans les circuits commerciaux, mais d’un objet culturel.

La question du prix du livre avait déjà fait l’objet de réflexions à la Libération. L’ordonnance n°45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix ayant alors rendu illicites les prix imposés, les éditeurs optèrent en faveur de prix conseillés, les libraires étant libres ensuite de déterminer des prix de vente différents pour leurs clients. 

Or le secteur du livre traversa une crise économique importante pendant les années 1960-1970, en raison de la concurrence de nouveaux médias, du phénomène des best-sellers créés par la publicité, ainsi que du développement des livres de poche. Dans ce contexte difficile intervint l’arrêté du ministre des Finances du 23 février 1979 portant interdiction du prix conseillé : les libraires furent tenus de déterminer eux-mêmes leurs prix, sans faire référence à un prix public. 

S’agissant d’un secteur économique où les éditeurs et les points de vente doivent collaborer, ce texte avantageait les seconds, en particulier les grands magasins spécialisés ainsi que les nouveaux rayons « librairie » des grandes surfaces, lesquels pratiquaient une politique de vente très agressive, avec des réductions pouvant atteindre 20 % du prix. Les librairies de quartier ne pouvaient résister. Toute l’économie du livre apparaissait déstabilisée, en particulier les livres à rotation lente, moins rentables (œuvres littéraires ou scientifiques) et in fine la création elle-même. 

La question du prix unique du livre devint un enjeu dans la campagne présidentielle de 1981. 

Quelques semaines seulement après la victoire de François MITTERRAND, l’exposé des motifs du projet de loi défendu par Jack LANG devant le Sénat mit en avant trois objectifs. Le prix unique du livre devait permettre : « premièrement, l’égalité des citoyens devant le livre, qui sera vendu au même prix sur tout le territoire national ; deuxièmement, le maintien d’un réseau décentralisé très dense de distribution, notamment dans les zones géographiques les plus éloignées des grands centres ; troisièmement, le soutien au pluralisme dans la création et l’édition, en particulier pour les ouvrages littéraires ou les ouvrages difficiles. » (Débats au Sénat, séance du mercredi 29 juillet 1981).

Le texte est adopté par les sénateurs à une très large majorité - 276 voix pour et 9 contre - le 29 juillet 1981, avant d’être examiné par l’Assemblée nationale, puis de leur revenir pour une deuxième lecture le 31 juillet. Les sénateurs acceptent alors deux modifications importantes : la fourchette de variation autorisée sur le prix net de vente de 5 % - le Sénat proposait 10 % - et l'interdiction de la publicité sur les soldes hors des lieux de vente. 

Au terme de la navette parlementaire, le projet de loi est adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale le 31 juillet 1981.

La « loi LANG » relative au prix du livre n° 81-766 du 10 août 1981 paraît au Journal officiel du 11 août 1981. Ce texte de onze articles dispose, en particulier, que « Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres est tenue de fixer, pour les livres qu’elle édite ou importe, un prix de vente au public. » (article 1).

Le nouveau dispositif entend protéger la culture et soutenir les partenaires de la création littéraire : éditeurs, libraires et auteurs. La concurrence ne porte dès lors plus sur le prix, mais sur la qualité de service offert. 

Aujourd’hui encore, la loi LANG reste une référence. Elle a été adaptée aux évolutions du produit culturel « livre » de même qu’à celles des modes de distribution, en particulier l’explosion de la vente en ligne. La loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix du livre numérique a ainsi transposé à ce dernier l’économie générale des dispositions législatives adoptées en 1981.

Dans le même but, en 2020, la sénatrice Laure DARCOS (Les Républicains, Essonne) a pris l’initiative de déposer une proposition de loi, adoptée l’année suivante, visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs : les dispositions de la loi n° 2021-1901 du 30 décembre 2021 imposent désormais de facturer des frais de port pour les achats en ligne de livres neufs.