La déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), revendiquée de longue date par le monde associatif, a donné lieu au dépôt de la première pétition sur la plateforme e-pétitions ouverte par le Sénat, laquelle a facilité l’adoption d’une loi.

Affiche 1916 - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

L’allocation aux adultes handicapés est créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées alors que Simone VEIL est ministre de la Santé. Conçue comme une prestation de solidarité, l’AAH fournit une garantie de ressources aux adultes atteints d’un certain degré d’incapacité dû à un handicap ou à une maladie chronique. Suivant la même logique qu’un minimum social, le montant de l’allocation varie en fonction des revenus du conjoint et l’AAH n’est pas versée si l’ensemble des ressources du ménage atteignent un certain plafond.

Trente ans plus tard, la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées adopte une autre logique en créant la prestation de compensation du handicap (PCH) : il s’agit désormais de compenser les surcoûts induits par le handicap, en complément des aides de la sécurité sociale (dispositifs d’aide humaine ou technique, aménagement du logement et du véhicule,…), sans prendre en compte la situation matrimoniale du bénéficiaire.

Cette nouvelle orientation correspond aux souhaits des associations représentant les personnes handicapées, lesquelles militent en faveur de l’individualisation de l’AAH afin de garantir l’autonomie financière de la personne handicapée quelle que soit sa situation familiale.

Pour répondre à cette demande, plusieurs parlementaires déposent des propositions de loi, notamment au Sénat en avril 2018. Le principe de la déconjugalisation de l’AAH est tout d’abord adopté le 13 février 2020 par l’Assemblée nationale, à l’initiative de la députée Jeanine DUBIÉ, en dépit d’un avis défavorable du Gouvernement. Peu après, Mme Véronique TIXIER dépose, en septembre 2020, une pétition sur la toute nouvelle plateforme e-pétitions du Sénat intitulée « Désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l’allocation aux adultes handicapés ». Comme son auteure le fait valoir, cette initiative doit : « […]  aider à clarifier cette situation qui pèse énormément sur le moral des personnes handicapées vivant en couple, [et] demander au législateur de […] mettre fin à cette incongruité et injustice fondamentale. ».

Cette plateforme a, en effet, été ouverte en janvier 2020 à l’initiative de M. Gérard LARCHER, président du Sénat et du Bureau du Sénat, pour revivifier le droit de pétition et développer la démocratie participative. La pétition recueillant plus de 100 000 signatures dès février 2021, la proposition de loi « Dubié » est examinée par le Sénat. 

L’efficacité de la procédure e-pétitions sera soulignée par le rapporteur, Philippe MOUILLER, lors de l’adoption de la proposition de loi, le 9 mars 2021 « Nous en avons […] la preuve : ce mécanisme constitue une courroie de transmission rapide et efficace des souhaits de nos concitoyens qui nous permet cet après-midi de débattre à nouveau de l’allocation aux adultes handicapés. ». Malgré cette avancée, l'Assemblée nationale renonce, en deuxième lecture, à la déconjugalisation et introduit, à l'initiative du Gouvernement, un mécanisme alternatif d'abattement forfaitaire annuel sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l'AAH. Persistant dans sa démarche, le Sénat vote de nouveau, le 12 octobre 2021, la déconjugalisation qui ne voit toujours pas le jour faute d’accord de l’Assemblée.

Mais ces efforts n’ont pas été vains puisque la réforme intervient, finalement, à l’été 2022, par un amendement au projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, qui devient la loi n° 2022-1158 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat du 16 août 2022.

Lorsque la mesure entre en vigueur le 1er octobre 2023, 1,35 million de bénéficiaires de l’AAH sont éligibles au nouveau dispositif dont l’adoption doit beaucoup à la faculté, ouverte au citoyen, de faire entendre sa voix au législateur en lui adressant une pétition.