Le leg des aspirations centralisatrices de la monarchie française, conjugué à l’héritage révolutionnaire expliquent qu’il ait fallu attendre jusqu’aux années 1980, pour que soit engagé dans notre pays un mouvement de décentralisation de grande ampleur. Cette rupture, de portée historique, a été ultérieurement confortée et approfondie par de nouvelles dispositions : la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a ainsi marqué une nouvelle étape dans le processus de rapprochement des décisions, au bénéfice de nos concitoyens. Le Sénat a joué un rôle important dans l’adoption de ces dispositions, considérées comme « l’acte II » de la décentralisation.
France par provinces et pays, concordance de leurs limites avec les limites des départements de 1948 - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Le « premier acte » de la décentralisation est intervenu entre 1982 et 1986, sous l’impulsion de Gaston DEFFERRE, ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation : 25 lois et 200 décrets ont entraîné la suppression de la tutelle de l'État sur les collectivités territoriales, ainsi que le transfert à leur profit d’importantes compétences. Depuis lors, l’administration des régions, des départements et des communes relève de conseils élus aux compétences élargies, tandis qu’une fonction publique territoriale était créée.
Deux décennies plus tard, la loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, communément désignée sous l’appellation « d’acte II » de la décentralisation, poursuivit, en l’approfondissant, l’œuvre décentralisatrice.
L’initiative de cette nouvelle réforme revint au Premier ministre Jean-Pierre RAFFARIN, ainsi qu’au garde des sceaux Dominique PERBEN, qui à l’automne suivant la constitution du nouveau gouvernement issu des élections présidentielles et législatives du printemps 2002, déposèrent sur le bureau du Sénat, le 16 octobre 2002, un projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République comprenant onze articles.
La seconde chambre du Parlement, représentant des collectivités aux termes des dispositions de l’article 24 de la Constitution, examina en premier ces dispositions, dans le cadre de la navette législative.
Intervenant, le 29 octobre 2002, dans la discussion générale du projet de loi, le Premier ministre Jean-Pierre RAFFARIN, soulignait l’implication des sénateurs dans le processus de décentralisation et se félicitait que l’Exécutif se soit inspiré des travaux réalisés, de longue date, au Sénat. Parmi ces travaux de réflexion figuraient, en particulier, les contributions des sénateurs Jean-Paul Delevoye (Pas-de-Calais, Rassemblement pour la République), Jean François-Poncet (Lot-et-Garonne, Union pour un mouvement populaire (UMP)) et Daniel Hoeffel (Bas-Rhin, groupe UMP).
La commission des lois du Sénat, qui désigna son président René Garrec rapporteur du texte, se prononça en faveur d’une réforme rapide des finances locales, ainsi que de nouveaux transferts de compétences aux collectivités territoriales : il s’agissait par là même, tout à la fois, de doter ces dernières des moyens nécessaires à l’exercice de leur rôle institutionnel, de moderniser les services publics et d’approfondir la démocratie locale.
Au terme de 5 jours de séance et de près de 34 heures de débats, le Sénat adopta, le 6 novembre 2002, le projet de loi, modifié par 34 amendements. Le texte transmis à l’Assemblée nationale revint ensuite, en seconde lecture, à la seconde Chambre du Parlement. In fine, le Congrès, réuni à Versailles le 17 mars 2003, adopta à son tour la réforme à une large majorité (584 voix pour et 278 contre). La loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 fut publiée au Journal officiel du lendemain. Depuis cette date, l’article 1er de la Constitution fait référence à « l’organisation décentralisée » de la République. La réforme constitutionnelle de 2003 a également promu l’exercice de la démocratie locale, tout en introduisant un droit à déroger à titre expérimental « pour un objet et une durée limitée », au bénéfice des collectivités et dans leurs domaines de compétence, « si la loi ou le règlement l'a prévu ».
Les dispositions relatives à l’autonomie financière des collectivités territoriales ont fait l’objet d’une réécriture par le Sénat clarifiant les notions de péréquation et de ressources propres et prévoyant la compensation des charges induites par les compétences nouvelles. Les régions ont été introduites dans la liste des collectivités territoriales, tandis que les « territoires » d’outre-mer ont été transformés en « collectivités » d’outre-mer.
En outre, « lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales » les modalités de coopération ont été clarifiées par les sénateurs, de telle façon à ce qu’« aucune collectivité territoriale ne (puisse) exercer une tutelle sur une autre ».
La nouvelle rédaction de l’article 39 de Constitution a également reconnu au Sénat la priorité dans l’examen des projets de loi ayant pour principal objet les collectivités territoriales. En définitive, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2025 a ouvert la voie à de nouveaux transferts de compétence, qui interviendront très rapidement, dans le cadre de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.