Après la chute du second Empire en 1870, la France hésite entre République et Monarchie. Il faut attendre 1875 pour qu’un député de l’Assemblée nationale, Henri WALLON, fasse basculer l’histoire du côté républicain, par un amendement adopté à une voix de majorité.
L'Eclipse – 6 Mars 1875 – M. Wallon, par Gill – © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
L’empereur Napoléon III ayant été battu à Sedan, le 2 septembre 1870, les Français sont appelés aux urnes le 8 février 1871 pour élire une Assemblée nationale chargée de ratifier le traité de paix avec l’empire allemand, puis de rédiger une constitution.
Mais les députés ne parviennent pas à s’entendre sur la nature du régime : les royalistes, divisés entre orléanistes et légitimistes, souhaitent restaurer la monarchie alors que les républicains veulent maintenir la République proclamée le 4 septembre 1870.
Les débats s’éternisent jusqu’à ce qu’un député du Nord, Henri Wallon, propose un compromis acceptable par tous les partis.
Son amendement, présenté le 30 janvier 1875 lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle sur l'organisation des pouvoirs publics, énonce simplement : « le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »
À la tribune de l’Assemblée, Henri Wallon expose en ces termes l’objet de son amendement : « Ma conclusion, messieurs, c’est qu’il faut sortir du provisoire. Si la monarchie est possible, si vous pouvez montrer qu’elle est acceptable, proposez-la. Mais il ne dépend pas malheureusement de vous, ici présents, de la rendre acceptable.
Que si, au contraire, elle ne paraît pas possible, eh bien, je ne vous dis pas : Proclamez la République !... mais je vous dis : Constituez le gouvernement qui se trouve maintenant établi et qui est le gouvernement de la République. Je ne vous demande pas de le déclarer définitif. Qu’est-ce qui est définitif ? Mais ne le déclarez pas non plus provisoire. Faites un Gouvernement qui ait en lui les moyens de vivre et de se continuer, qui ait aussi en lui les moyens de se transformer, si le besoin du pays le demande ; de se transformer, non pas à une date fixe comme le 20 novembre 1880, mais alors que le besoin du pays le demandera, ni plus tôt, ni plus tard. »
Pour une frange des royalistes, l’amendement « Wallon » est acceptable car il n’emporte aucune déclaration de principe, consacre l’existence d’une seconde chambre gardienne de l’équilibre des institutions – le Sénat –, et laisse ouverte la possibilité d’un changement de régime.
Pour les républicains, cette proposition conforte la forme de gouvernement qu’ils appellent de leurs vœux. Ils ne peuvent s’empêcher de penser qu’il est des provisoires qui durent. L’avenir leur donnera raison : la Troisième République ne disparaitra qu’en 1940.
Ce 30 janvier 1875, dans le théâtre du château de Versailles aménagé en salle des séances, après d’âpres débats, l’amendement est adopté par 353 voix contre 352.
Dès lors, les oppositions s’estompent. La courte majorité qui vient de se prononcer gagne du terrain, rejointe par les partis de gauches et les monarchistes du centre droit. C’est finalement avec un nombre de voix plus confortable que sont votées les trois lois constitutionnelles qui fondent la Troisième République : la loi du 24 février 1875 relative au Sénat, la loi du 25 février 1875 sur l’organisation des pouvoirs publics, et la loi du 16 juillet 1875 régissant les rapports des pouvoirs publics.
Une caricature publiée à la une de L’Eclipse du 6 mars 1875 présente Henri WALLON comme le père de la République, portant à bout de bras le « bébé Constitution » emmailloté dans ses langes. À l’exergue, deux mains se joignent, symbolisant la concorde retrouvée autour de la figure de Marianne.
Henri WALLON fut élu sénateur inamovible le 18 décembre 1875 et le demeura jusqu'à sa mort.