Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE est une pionnière, qui figura parmi les premières femmes élues à la Libération. Son parcours est tout d’abord indissociable de celui de son époux Pierre BROSSOLETTE, journaliste, homme politique et résistant, mort pour la France en 1944. La vie publique de Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE se distingue ensuite, lorsqu’elle devient membre de l’Assemblée consultative provisoire, en novembre 1944. Elle est élue au Conseil de la République, en 1946, sur la liste Section française de l'Internationale ouvrière (SFIO).

Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE - © Archives du Sénat

Dès son entrée au Conseil de la République, Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE, élue de la Seine, devient vice-présidente de l’institution. À ce titre, elle prend la parole le 14 janvier 1947 devant une assemblée ne comptant alors que 21 femmes. Elle présidera de nombreuses séances par la suite.

Membre de la commission des affaires étrangères et de la commission de la presse, de la radio et du cinéma, la conseillère de la République s’engage également en faveur de la reconstruction de la société d’après-guerre. Elle défend plusieurs textes visant à améliorer le sort des femmes et des enfants, dans un contexte où les conditions de vie des veuves et des orphelins de guerre font l’objet des travaux de l’Assemblée nationale et du Conseil de la République.

Le 9 décembre 1947, elle dépose, au côté de sept sénatrices, une proposition de résolution concernant les droits à réparation des veuves et des orphelins de guerre. L’exposé des motifs en donne le ton : « la réparation solennelle est une aumône dérisoire ».

Le mode de calcul de la pension de veuve est très défavorable par rapport à celui de la pension d’un invalide à 100 %. Les droits de l’orphelin se limitent à la transmission de la pension de la veuve aux orphelins mineurs en cas de décès de leur mère. « L’amélioration technique de la loi […] assurerait aux veuves et aux orphelins de guerre un mieux-être sensible. » Si cette proposition de résolution n’aboutit pas dans l’immédiat, elle participe à l’évolution des esprits conduisant à la réforme du régime des pensions civiles et militaires de 1948.

Devenue, en 1950, membre de la commission de la famille, de la population et de la santé publique, Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE poursuit son engagement. Elle est nommée rapporteure de la proposition de loi pour la protection des enfants contre l’alcoolisme en 1957. Le projet relève de la commission de la famille mais également de la commission des boissons et de la commission de la justice, saisies pour avis. La commission de la famille examine son rapport qui propose une modification du Code des débits de boissons, considérant que « l’organisme des enfants de moins de douze ans peut être considérablement ébranlé par une dose, même minime, d’alcool ». S’opposant à ces vues, le rapporteur de la commission des boissons fait valoir, pour sa part, qu’« il est difficile […] de prendre catégoriquement position contre une proposition de loi qui tend à lutter contre le développement de l’alcoolisme chez les enfants » tout en dénonçant des « abus » dans le texte, jugeant « un peu excessif de réglementer aussi sévèrement l’entrée des débits de boissons à des enfants de moins de 12 ans ». Il appuie son propos sur l’exemple du Tour de France, où des prospectus et des cadeaux sont distribués sans distinction d’âge.

Lors de la séance publique du 16 mai 1957, Mme  PIERRE-BROSSOLETTE soutient une version modifiée du texte adopté par l’Assemblée nationale, en soulignant que « c’est une importante responsabilité pour les adultes que de sauvegarder la santé et l’équilibre des jeunes qui constitueront la nation de demain. » Dans l’hémicycle, les débats sont houleux. Certains prônent une politique de prévention et d’éducation, tandis que d’autres dénoncent un procès fait à la viticulture. Suzanne GIRAULT, sénatrice de la Seine, s’exprime au nom du groupe communiste en défendant un projet « d’éducation sanitaire de la population », prémices de la politique de santé publique déployée depuis en France. Le débat s’achève sur l’adoption de la proposition de loi.

Au terme de sa vie de parlementaire, en 1958, Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE est nommée rapporteure de la proposition de résolution permettant de garantir la santé et la sécurité des mères de famille, en cas de maladie ou de maternité, par la collaboration de travailleuses familiales.

Dès son introduction, la sénatrice dépeint le quotidien d’une mère de famille, plus de cinquante ans avant que l’on ne définisse la notion de « charge mentale » : « Les membres de votre commission pensent, comme les auteurs de la proposition que la vie quotidienne des mères de famille, accablées par les besognes ménagères, est difficile et qu’il y a toujours des progrès à accomplir pour protéger la santé et l’équilibre de la mère et de l’enfant. » Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE encourage le développement de l’activité des travailleuses familiales, dont le financement est insuffisant, notamment en termes de formation et pour un salaire trop faible. En 1959, Joseph RAYBAUD, sénateur des Alpes-Maritimes du groupe de la Gauche démocratique et du Rassemblement des gauches républicaines, reprend cette proposition de résolution, en demandant la prise en charge, par les organismes de sécurité sociale, des dépenses relatives aux services rendus par les travailleuses familiales. Il faudra cependant attendre quinze autres années pour que ces dernières soient reconnues comme des travailleurs sociaux par le décret n° 74 146 du 15 février 1974, relatif à la formation et à l’emploi des travailleuses familiales.

Gilberte PIERRE-BROSSOLETTE fut l’une des 6 femmes, parmi les 21 nouvelles élues au Conseil de la République en 1946, à être réélues ensuite, tout au long de la IVe République.