Avocat et homme politique au parcours exemplaire, Gaston MONNERVILLE, successivement Président du Conseil de la République puis du Sénat, incarne la seconde Chambre des Trente Glorieuses.

Gaston MONNERVILLE / © gallica.bnf.fr / Bibliothèque naitonale de France

Gaston Charles François MONNERVILLE naît le 2 janvier 1897 à Cayenne (Guyane), d’un père fonctionnaire et d’une mère couturière. Après une scolarité au collège de sa ville natale, il se voit décerner dès 1912 une bourse et poursuit ses études à Toulouse. Devenu docteur en droit, il accède au barreau avec les félicitations du jury en 1921. 

L’avocat plaide plusieurs grands dossiers, à l’instar de l’affaire GALMOT en 1931, procès politique retissant faisant suite à des émeutes à Cayenne, après une élection législative contestée. Fort de l’acquittement des accusés, Gaston MONNERVILLE se présente l’année suivante aux élections législatives de Guyane. Élu, il siège à la Chambre des Députés jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

Membre du parti radical-socialiste, Gaston MONNERVILLE se spécialise dans les questions internationales et celles relatives à l’outre-mer : en 1937/1938, il est nommé à deux reprises sous-secrétaire d’État aux colonies au sein des troisième et quatrième cabinets CHAUTEMPS.

À l’ouverture des hostilités, il s’engage sous les drapeaux et devient officier sur le cuirassé Provence , navire sur lequel il se trouve, le 3 juillet 1940, lors de la bataille de Mers el-Kébir.

Il n’est pas en mesure de rejoindre la métropole, lorsque les Chambres se réunissent pour se prononcer sur l’octroi des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain, le 10 juillet 1940.
Avocat à Marseille sous le régime de Vichy, Gaston MONNERVILLE défend des victimes de délit d’opinion ou de discrimination raciale, avant d’être lui-même inquiété. Il rejoint en 1942 la Résistance, pour diriger avec son épouse l’hôpital qu’ils ont créé au sein du maquis d’Auvergne. Son courage et son patriotisme sont reconnus à la Libération : il se voit décerner la Croix de Guerre 1939-1945, ainsi que la Médaille de la Résistance avec Rosette.

Élu en 1945 et en 1946 membre des deux assemblées constituantes, il participe activement à la détermination du cadre constitutionnel de l’Union française. Il siège, à compter de décembre 1946, au Conseil de la République, assemblée qu’il préside dès le mois de mars 1947 -à la suite du décès d’Auguste CHAMPETIER de RIBES- et pour toute la durée de la IVe République.

Gaston MONNERVILLE œuvre de façon constante en faveur du bicamérisme. La révision constitutionnelle du 7 décembre 1954 rétablit la navette entre les deux Chambres et le droit d'initiative des sénateurs en matière législative. 

Sous la V° République, il incarne l’opposition résolue au général de Gaulle lors du référendum du 28 octobre 1962 portant sur l’élection du Président de la République au suffrage universel. Le Président du Sénat fait alors activement campagne contre le choix - qualifié de « forfaiture »- de recouvrir à la procédure de l’article 11 de la Constitution. Sur le fond, Gaston MONNERVILLE s’oppose à une réforme dont il considère qu’elle déséquilibre nos institutions en faveur de l’Exécutif. In fine, le général de Gaulle remporte le scrutin référendaire, avec 62 % des suffrages en faveur du « oui ». Au cours des années suivantes, les rapports entre le chef de l’État, le Gouvernement et le Président du Sénat seront de plus en plus tendus.

En 1968, Gaston MONNERVILLE ne se représente pas à la Présidence du Sénat, après 21 ans de mandat ininterrompu. Alain POHER lui succède. Toujours membre du conseil général du Lot, où il représente le canton de Sousceyrac depuis 1949, ainsi que membre du conseil régional de Midi-Pyrénées, Gaston MONNERVILLE démissionne finalement de ses mandats locaux en 1974, pour siéger au Conseil constitutionnel jusqu’en 1983. 

Attaché au libéralisme politique et au parlementarisme, « l'homme qui a dit ‘‘non’’ à de Gaulle » marqua le Sénat de sa rigueur bienveillante : « Tu vérifies une première fois ; ensuite, tu vérifies une seconde fois », confiait-il à un proche. Peu après son décès, le 7 décembre 1991, est fondée la Société des amis du président Gaston Monnerville qui maintient son souvenir ; une plaque à son effigie a été apposée dans l’hémicycle du Sénat en 1998, lors du 150ème anniversaire de l'abolition de l'esclavage.