À l’heure où se développe l’économie dématérialisée, le Sénat adopte une proposition de loi relative au prix du livre numérique, afin de préserver l’équilibre entre la juste rémunération du droit d’auteur et celle des détenteurs d’accès et de réseaux informatiques.
Jean Gutenberg, inventeur de l’imprimerie – Buste, profil trois-quarts à droite – Simon, Frédéric-Émile (1805-1886) – Strasbourg – 1850 - © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg
« Avec l’émergence du livre numérique, le monde du livre connait sa plus importante révolution technologique depuis Gutenberg ». Ainsi commence le rapport de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi d’origine sénatoriale relative au prix du livre numérique (rapport n° 50 de Mme Colette MÉLOT, déposé le 20 octobre 2010).
Les auteurs de cette proposition de loi souhaitent anticiper les effets possibles de la révolution numérique sur une économie du livre à l’avenir incertain. Certes, en 2010, le livre numérique ne représente encore qu’une faible part des ventes, mais il faut éviter que le développement de ce marché vienne mettre en péril les modèles commerciaux de la création et de l’édition, comme cela a pu se produire dans le secteur de la musique.
L’objectif est donc double : d’une part, préserver les droits de la propriété intellectuelle en assurant aux auteurs une rémunération équitable et, d’autre part, maintenir le maillage culturel du territoire français, riche de la diversité des maisons d’édition et du réseau des librairies qui a su se maintenir tout en se modernisant.
Le texte définit le livre numérique : une œuvre de l’esprit créée par un ou plusieurs auteurs, à la fois commercialisé sous forme numérique et publié sous forme imprimée, ou susceptible de l’être. Sont explicitement écartées les offres sous licences destinées à un usage collectif et proposées dans un but professionnel, de recherche ou d’enseignement supérieur.
La loi prévoit que les éditeurs fixent un prix unique de vente au détail des livres numériques. Ils sont seuls autorisés à accorder des remises commerciales aux diffuseurs, en tenant compte des services que ces derniers rendent à la promotion du livre numérique par leurs actions d’animation, de médiation et de conseil auprès du public.
Le texte s’inspire donc des grands principes de la loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre, dite loi « Lang », sans pour autant n’être qu’une simple transposition puisque plusieurs dispositions applicables aux ouvrages « papier » ne sont pas adaptées au livre numérique.
Votée à l’unanimité par le Sénat en première lecture le 26 octobre 2010, la proposition de loi est transmise à l’Assemblée nationale qui la modifie le 15 février 2011. Après une deuxième lecture dans chaque assemblée, puis la réunion d’une commission mixte paritaire, le texte est définitivement adopté.
Le dernier mot revient au président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, M. Jacques LEGENDRE : « Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce soir, je suis comme vous tous heureux, et doublement heureux, en tant qu’auteur de la proposition de loi, mais également en tant que président de la commission de la culture ! À l’issue de ces débats, en effet, nous avons pu aboutir à un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat à l’unanimité des forces politiques représentées au sein des deux assemblées ! C’est évidemment un geste politique fort […]. La loi que nous nous apprêtons à adopter devra préserver le secteur de la librairie des dangers que font peser les grandes plateformes internationales et garantir aux auteurs une rémunération juste et équitable. Bien entendu, ce n’est qu’une première étape. Le livre numérique ne doit plus être traité comme un service. Comme vous l’avez rappelé à juste titre, mon cher collègue, le livre numérique est, pour nous, un bien culturel. Nous voulons qu’il soit reconnu comme tel au niveau international. »
Et de conclure par une formule de Montesquieu : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. »