Érudit encyclopédique – lexicographe, médecin, philologue, historien – et homme politique engagé dans les débats parlementaires de son temps, Émile LITTRÉ travailla à déployer dans la pratique législative la philosophie positiviste pour la défense des lois républicaines.

Littré, [photographie] Atelier Nadar, 1875-1895 / © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France  

Né à Paris le 1er février 1801 rue des Grands Augustins, Maximilien Paul Émile LITTRÉ est fils de Michel-François LITTRÉ et de Sophie JOHANNOT qui l’éduquent, avec son frère Barthélemy, dans la tradition des Lumières. Le jeune Émile accomplit une brillante scolarité au lycée Louis-le-Grand, avant de s’engager dans des études de médecine, tout en continuant ses travaux en histoire et en philologie : outre le français, il parle l’anglais, l’allemand, l’italien, le latin, le grec et le sanskrit.

Écrivant sans cesse articles d’érudition et de presse, Émile LITTRÉ intègre Le National – dont il est l’un des principaux rédacteurs jusqu’en 1851 – et contribue à de célèbres publications scientifiques telles la Revue des Deux-mondes et le Journal des Savants.

Son insatiable curiosité et son ambition encyclopédique le mènent à réaliser de grands travaux de synthèse et de compilation.

Dès 1845, il rédige, enthousiaste, un abrégé de la philosophie d’Auguste COMTE dans l’Analyse raisonnée des cours de Philosophie positive. Sous le second Empire, il travaille avec Charles ROBIN à un Dictionnaire de Médecine et de Chirurgie.

Mais il est surtout connu pour son Dictionnaire de la langue française – toujours communément appelé le Littré – dont le manuscrit achevé en 1865, qui paraît en 1872, fait encore aujourd’hui autorité.

Républicain convaincu, participant actif de la révolution de Juillet 1830, É. LITTRÉ s’engage en politique comme conseiller municipal de la ville de Paris en 1848, sous la deuxième République. Il refuse la Légion d’honneur en 1848. Après s’être retiré temporairement de la vie politique sous le second Empire, il est élu représentant de la Seine le 8 février 1871 à l’Assemblée nationale. 

Bien qu’assidu aux séances, il ne monte jamais à la tribune – éloquent seulement la plume à la main. Néanmoins, il n’hésite pas à défendre ses idées témoignant d’une pensée rigoureuse et d’une vive intelligence par des lettres et des publications qui théorisent la ligne politique du groupe des républicains modérés – notamment dans Application de la philosophie positive au gouvernement des sociétés et en particulier à la crise actuelle ainsi que dans Conservation, révolution et positivisme.

Il est reçu en 1871 au 17e fauteuil de l’Académie française.

En 1875, il rejoint la loge de La Clémente Amitié, au Grand Orient de France. 

Elu sénateur inamovible par l’Assemblée nationale le 15 décembre de la même année, il siège au Palais du Luxembourg dans les rangs de la gauche modérée et, bien que taciturne, honore de sa présence et de son suffrage les séances du Sénat jusqu’à sa mort, le 2 juin 1881.

Le jour de sa mort, ayant demandé qu’aucun discours ne soit prononcé sur sa tombe au cimetière du Montparnasse, le président de l’Académie française lève exceptionnellement la séance en signe de deuil après avoir déclaré : « Si l'expression formelle de ses volontés ne m'avait fermé la bouche devant la tombe prête à le recevoir, j'aurais moins parlé du savant illustre et infatigable dont la curiosité n'était jamais assouvie, devenu célèbre par d'immenses travaux dont les proportions donnent le vertige, du maître d'une érudition sans limites, que de l'homme de bien, aux mœurs simples et austères, au désintéressement incorruptible, d'une charité inépuisable avec les pauvres, inaccessible à l'ambition, se souciant peu des honneurs qui venaient le chercher, mais qu'il n'allait jamais chercher lui-même. »