Autodidacte, érudit, critique littéraire, écrivain et intellectuel engagé, Anatole FRANCE (1844-1924) est un personnage incontournable du tournant des XIXe et XXe siècles. Académicien (1896) et prix Nobel de littérature (1921), cet homme pleinement conscient des enjeux politiques de son temps occupa aussi un poste de bibliothécaire au Sénat.

Anatole France, [photographie] atelier Nadar, édition 1875-1895 / © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
 

François Anatole THIBAULT naquit le 16 avril 1844 à Paris de parents libraires spécialisés dans la Révolution française, au 19 quai Malaquais, dans le 6ème arrondissement. C’est dans cet environnement livresque que grandit le jeune garçon dont le nom d’usage est, dès l’enfance, « Anatole FRANCE ». Si ce nom est avant tout une déformation de son premier prénom, hérité de celui de son père, François Noël THIBAULT ; il est sans doute également un jeu de mots relatif à l’enseigne de la librairie familiale : « Aux armes de France ».

A. FRANCE obtient le baccalauréat en 1864 et, sans poursuivre d’études, commence à travailler comme libraire pour son père. Dès 1866, il cherche à obtenir un poste de commis-surveillant à la bibliothèque du Sénat… où il n’accédera que dix ans plus tard, le 1er juillet 1876. Il y rencontre le bibliothécaire en chef, Charles-Edmond, le bibliothécaire Auguste LACAUSSADE et le sous-bibliothécaire Charles LECONTE de LISLE.

La bibliothèque du Sénat fournit aux parlementaires la documentation nécessaire à leurs travaux législatifs. Toutefois, Anatole FRANCE montre peu de goût pour le travail et ses relations avec sa hiérarchie sont tendues, comme en témoignent plusieurs documents conservés aux archives du Sénat.

Il démissionne en 1890 pour se consacrer à la littérature ; à son départ, le nouveau bibliothécaire en chef, R. SAMUEL, déclare : « L’homme de lettres ne connaît et n’apprécie que les livres qu’il a composés ».

Sa production littéraire est d’abord essentiellement poétique, avant qu’en 1881 son roman Le Crime de Sylvestre Bonnard ne rencontre un grand succès. Il est suivi d’autres comme La Rôtisserie de la Reine Pédauque en 1893 et Le Lys rouge en 1894. L’Académie française l’élit le 23 janvier 1896 à son trente-huitième fauteuil, précédemment occupé par Ferdinand de LESSEPS. Ses derniers romans, les plus célèbres, sont Les dieux ont soif (1912) et La révolte des anges (1914). Il reçoit le prix Nobel de littérature le 10 décembre 1921.

A. France est aussi un homme public et un journaliste engagé dans les débats de son temps, particulièrement l’affaire DREYFUS qui déchire l’opinion publique française de 1894 à 1906. Appartenant au parti des « révisionnistes », favorables à la révision du procès d’Alfred DREYFUS, il reste l’un des rares soutiens d’Émile ZOLA après la publication de son célèbre article J’accuse, dans l’Aurore du 13 janvier 1898, et figure parmi les membres fondateurs de la Ligue des droits de l’Homme (1898). Bien que proche des milieux socialistes et ami de Jean JAURÈS, il finit par céder à l’Union sacrée à cause du scandale que provoque sa position conciliatrice avec l’Allemagne mais il s’opposera aux termes du traité de Versailles dans les colonnes de l’Humanité du 22 juillet 1919 en rédigeant l’article « Contre la paix injuste » où il dénonce les « combinaisons d’égoïsmes nationalistes et d’intérêts de marchands ». Il meurt le 12 octobre 1924.

Journaliste, Anatole FRANCE publie dans les plus grands titres de l’époque, notamment le Temps et l’Humanité. Collectionneur et bibliophile, il se passionne pour les œuvres d’art et les beaux livres. Son style cynique et ironique en fait un auteur très original et inclassable en raison de l’ambiguïté mordante de sa plume, de ses personnages et de ses réflexions sociales. Les dieux ont soif, qui décrit la société française sous la Terreur (1793-1794), est extrêmement critique vis-à-vis de la Révolution française, alors même que son auteur est un fervent républicain.

Actualité d'Anatole France

Bibliographie

  • Œuvres
    • Anatole FRANCE, Œuvres, éd. Marie-Claire Bancquart, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1984-1994, 4 vol.
    • Anatole FRANCE, Les dieux ont soif, préface de Guillaume Métayer, Paris, Calmann-Lévy, 2024.
  • Études critiques
    • Marie-Claire BANCQUART, Anatole France : un sceptique passionné, Paris, Calmann-Lévy, 1994.
    • Guillaume MÉTAYER, Anatole France et le nationalisme littéraire. Scepticisme et tradition, Paris, Le Félin, « Les Marches du temps », 2011.