Après le naufrage de l’Amoco Cadiz le 16 mars 1978, Alphonse Arzel, maire de Ploudalmézeau, devient l'incarnation du Breton irréductible qui traverse l’Atlantique pour obtenir réparation.
Publication du rapport de la commission d’enquête sur l’Amoco Cadiz - par Hachette © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Alphonse Arzel naît le 20 septembre 1927, dans une famille d’agriculteurs à Ploudalmézeau, commune du nord-ouest du Finistère qui comprend une partie rurale et une partie maritime, Portsall. Il est le quatrième enfant d’une famille de sept. En 1940, son certificat d’études primaires supérieures en poche, il quitte l’école communale pour travailler à la ferme. En 1952, il reprend l’exploitation familiale.
Homme de convictions, il est membre de la Jeunesse Agricole Catholique entre 1943 et 1952 et reste engagé dans la défense de la ruralité malgré la lourde charge que représente la gestion de l’exploitation familiale. Il préside la chambre d’agriculture du Finistère de 1974 à 1981. Influencé par André Colin, autre finistérien, il devient membre du Mouvement républicain populaire (MRP) et se présente aux élections. Maire de Ploudalmézeau (1961 – 2001) et conseiller général (1967 – 1985), il se porte, sans succès, candidat à la députation (novembre 1962, mars 1973 et mars 1978).
Le 16 mars 1978, il affronte une crise écologique sans précédent. Peu après 21h00, l’Amoco Cadiz, super tanker battant pavillon libérien, s’échoue sur les rochers de Portsall, provoquant la pire marée noire jamais vue. 230 000 tonnes d’hydrocarbures s’échappent des soutes du pétrolier, souillant presque 400 kilomètres de côtes bretonnes. Cette catastrophe marque les esprits. Les images d’oiseaux mazoutés et de plages maculées qui se succèdent dans les journaux télévisés suscitent un vaste mouvement de solidarité.
Maire de la première commune touchée, Alfonse Arzel participe activement à la gestion de la crise et devient « l’homme de l’Amoco ». Il déclare dès le 17 mars que « quelqu’un paiera » (« unam bennack abaio » en breton) : le principe du pollueur-payeur finira par s’imposer.
Il crée en 1980, aux côtés de Charles Josselin, président socialiste des Côtes d’Armor et de Jean-Baptiste Henry, conseiller municipal de Plouguiel, le syndicat mixte de protection et de conservation du littoral nord-ouest de la Bretagne, dont il est élu président afin de réclamer, en justice, des dédommagements pour les dégâts subis.
A Paris, le Sénat constitue une commission d’enquête chargée d’examiner les décisions prises et les moyens mis en œuvre par les autorités compétentes françaises, étrangères ou internationales lors de l’échouement d’un pétrolier sur les côtes bretonnes. Cette commission est présidée par André Colin, sénateur du Finistère de 1959 à 1978, membre du groupe de l’Union centriste des démocrates de progrès. Elle rend ses conclusions le 23 juin 1978, 100 jours après la catastrophe.
Le combat d’Alphonse Arzel se poursuit en affrontant le groupe Amoco sur le terrain juridique. En 1982, une délégation de Bretons se rend ainsi à Chicago devant les tribunaux américains pour obtenir réparation. À sa tête se tient Alphonse Arzel, devenu sénateur (1980 - 1998). Après deux années d’audience, la responsabilité de la compagnie est reconnue. Les procès pour établir le montant des réparations économiques s’enchaînent jusqu’en 1992. Ces réparations sont finalement fixées à 1 257 millions de francs, dont 226 pour le syndicat mixte. Cette condamnation fait jurisprudence : le principe du « pollueur- payeur » est reconnu.
Pour célébrer cette victoire, l’irréductible Breton organise un grand banquet en juillet 1993 à Ploudalmézeau, 15 ans après la catastrophe de l’Amoco Cadiz.
Alphonse Arzel, dont le mandat sénatorial a pris fin le 27 septembre 1998, s’éteint le 21 février 2014 à Ploudalmézeau.