Président du Sénat pendant 24 ans de 1968 à 1992, Alain POHER assure à ce titre l'intérim de la Présidence de la République à deux reprises : en 1968 après la démission du général de GAULLE et en 1974 après le décès de Georges POMPIDOU.
Alain POHER / © Archives du Sénat (10Fi490)
Né le 17 avril 1909 à Ablon-sur-Seine, Alain Poher entame peu avant la guerre une carrière de haut fonctionnaire au ministère des Finances. Européen convaincu et fervent chrétien, il connaît un destin national que couronne le double intérim qui le conduit au palais de l’Élysée.
C'est incité par Robert Schuman dont il est le chef de cabinet qu'Alain Poher se présente aux élections du tout nouveau Conseil de la République, issu de la Constitution de 1946. Il est élu le 8 décembre 1946 en Seine-et-Oise sous l'étiquette du Mouvement républicain populaire (MRP). Siégeant à la commission des finances dont il est nommé rapporteur général, fonction qu'il occupe avec passion et rigueur, il est réélu sénateur le 18 mai 1952.
En 1968, dans un contexte de tension entre le Gouvernement et le Sénat, les sénateurs qui doivent élire leur président portent leur choix sur un homme connu pour son esprit de conciliation. Alain Poher, élu selon ses propres termes à la suite d'une bataille qu'il n'a ni voulue ni cherchée – il n’était pas candidat au premier tour de scrutin – occupera ce fauteuil pendant 24 années consacrée à revaloriser le Sénat et lui faire retrouver toute sa place au sein des institutions de la Ve République.
Face au général de Gaulle résolu à réduire le Sénat à un rôle purement consultatif par le biais d'un référendum portant également sur la régionalisation, Alain Poher devient le chef de file de l'opposition et les Français découvrent sur leurs écrans télévisés un homme fermement décidé à défendre l'assemblée qu'il préside. Le 2 avril 1969, sous les applaudissements des sénateurs, il conteste la légitimité de la procédure référendaire ainsi que l'information partiale des émissions de l'ORTF.
Après la démission du général de Gaulle, Alain Poher assure l'intérim de la Présidence de la République du 28 avril au 20 juin 1969. Pendant 55 jours, il assume, dans une conjoncture politique délicate, la plus haute charge de la République : présidant les Conseils des ministres, ratifiant les traités, promulguant les lois, signant les décrets, accréditant les ambassadeurs. Candidat aux élections présidentielles des 1er et 15 juin 1969, il recueille 23,4 % des suffrages au premier tour et 42,4 % au second, face à Georges Pompidou.
De retour au Palais du Luxembourg, il s'emploie avec succès à renouer des rapports harmonieux avec l’Exécutif. Il reçoit le Président Pompidou au Petit Luxembourg, et les ministres, qui avaient déserté l'hémicycle, reprennent leur place sur les bancs du Gouvernement.
Sous sa présidence, missions d’information, commissions d'enquête et de contrôle se développent tandis que le contrôle de l'application des lois est organisé. Le nombre de projets déposés en première lecture sur le bureau du Sénat augmente.
Le 2 avril 1974, la disparition de Georges Pompidou conduit le président du Sénat à reprendre le chemin de l'Élysée : Alain Poher exerce un nouvel intérim de la Présidence de la République jusqu'au 27 mai 1974. Contrairement à la première fois, il décide de ne pas se présenter à l'élection présidentielle, refusant même de s'engager en faveur d'un candidat et laissant Jacques Chaban-Delmas et Valéry Giscard d'Estaing représenter la droite.
Au cours de ce second séjour à l'Élysée, Alain Poher prend plusieurs décisions importantes, qui concourent à faire de l'intérim présidentiel une réalité institutionnelle acceptée. Il veille tout d'abord au déroulement équitable de la campagne présidentielle, surveillant la régularité des opérations électorales et rappelant de nouveau à l'ORTF son devoir d'impartialité. Il décide par ailleurs du lancement officiel du programme Airbus ainsi que de la construction d'un cinquième sous-marin nucléaire français.
Après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la Présidence de la République, le 19 mai 1974, Alain Poher retrouve la présidence du Sénat. Face à l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, il préfère adopter une attitude d'opposition constructive, notamment par l'instauration des questions au Gouvernement.
En 1992, il décide de ne pas se représenter à la présidence du Sénat et achève son mandat en 1995, un an avant sa disparition.